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Transformer
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Béthune 2011 Capitale régionale de la culture
Le 360
14 juin - 31 juillet 2011


Avec :

Theo Jansen - Animaris Ordinaris Longis, Animaris Umerus
Chico MacMurtrie - Totemobile
Maywa Denki - Nonsense Machines
[The User] - Coincidence Engine One

Commissariat : Richard Castelli (Epidemic)



TRANSFORMER se veut un regard sur le principe de la transformation dans certaines formes d'art. Toute œuvre d'art, même celle supposée « fixe », telle qu'une peinture ou une sculpture, est sujette à transformation. Elle se transforme dans l'œil du regardeur, suivant les évolutions de celui-ci et les différents états de la perception qu'elles engagent. Aussitôt qu'approchant l'œuvre et d'aussi loin qu'il l'aperçoit (ou la perçoit), le regardeur la met en mouvement. Peu importe que l'œuvre elle-même bouge ou qu'elle ne bouge pas, le spectateur la met dans son mouvement à lui. Et ainsi elle change, elle se transforme de ce mouvement-là. Elle devient plusieurs œuvres, les unes après les autres. Il y a l'œuvre d'une première vision globale, il y a l'œuvre du très proche, du détail, il y a toutes celles jalonnant l'aller du plan général au très gros plan et toutes celles enfin de l'éloignement – le retour –, attendu que l'œuvre vue dans une vision globale faisant suite à la perception du détail, ne sera pas la même que celle découverte lors de la première vision d'ensemble. À chacune des étapes successives de la vision d'une œuvre « fixe », l'œuvre est « revue », sa perception corrigée, l'œuvre est transformée, se transforme. La transformation de l'œuvre fixe intervient aussi dans l'évolution de la perception de la couleur et de la lumière lors de sa vue prolongée. C'est du moins ce que décrit, entre autres, Kandinsky dans Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier (1912). Selon Bergson, pour qui il n'était rien que mobilité et transformation et qui a tenté d'analyser le rôle de la durée dans la perception, la transformation de l'œuvre est en mouvement permanent dans le temps de la voir vue et le temps de l'avoir vue, (Essai sur les données immédiates de la conscience ; 1889). Mais le temps qui passe ne transforme pas que notre conscience de l'œuvre, il la transforme aussi dans sa matière : il l'altère, il « la rend autre ». La patine ou la franche détérioration d'une œuvre ancienne, quand elles apparaissent, deviennent indissociables de sa perception. Le plus souvent, sa restauration ne fera pas remonter l'œuvre dans le passé lointain. Au lieu de la figer dans son origine, elle projette l'œuvre violemment dans le futur. L'œuvre n'est donc pas restaurée, mais transformée, elle n'est pas arrêtée dans le temps ni ne peut le remonter, elle est seulement accélérée dans sa transformation et fait un bond en avant. Cependant, la plus importante de toutes les transformations de l'œuvre fixe provient de la mutation des sociétés elles-mêmes qui fait qu'indépendamment de sa dégradation physique ou de sa parfaite conservation, indépendamment du temps que l'on passe à la regarder et à quelle distance, une œuvre ne peut être vue, entendue ni ressentie de la même façon par les générations postérieures à sa création. Elle meurt en tant qu'œuvre d'art avec ses contemporains, puis renaît sous la forme d'objet culturel, qui lui-même n'est pas davantage un objet fixe : il suivra les mouvements de la perception qui traversent et transforment en permanence les cultures vivantes. TRANSFORMER s'attache à présenter des œuvres dont la transformation est active et contemporaine de la visite de leurs spectateurs ; des « œuvres à transformation ».

Une certaine approche mêlant mécanique et optique et favorisant plus ou moins l'une ou l'autre est apparue au siècle dernier à travers les œuvres cinétiques de Moholy-Nagy, Soto, Schöffer, Tinguely, pour ne citer qu'eux. Par l'utilisation de nouvelles matières et de nouvelles technologies – dont l'informatique n'est point des moindres –, le vocabulaire de ce courant a été, au fil du temps, considérablement élargi. La transformation concrète d'objets usuels comme support d'une expression artistique de la notion même de transformation constitue la première catégorie d'œuvres que TRANSFORMER rassemblera. Pour Theo Jansen, elle s'exprime à travers la réitération méthodique du pliage de tubes électriques PVC selon un modulor, qui pourrait rappeler celui de Le Corbusier, s'il n'avait pas été déterminé par l'artiste à l'aide des tâtonnements d'un ordinateur des plus primitifs du siècle dernier, réitération qui lui permet désormais d'être le démiurge de générations de créatures : les Animaris qui évoluent par mutation et sélection naturelle, jusqu'à leur extinction et leur remplacement par d'autres générations plus évoluées ou plus adaptées. Béthune 2011 est l'occasion de découvrir sa créature la plus longue et la plus « évoluée » l'Animaris Umerus. Pour sa part, [The User] transforme des réveils ou des imprimantes matricielles, tous deux objets déjà en voie de disparition, et en offre une déclinaison musicale, rendant hommage aux 100 métronomes de Ligeti avec les réveils de Coincidence Engine One. Totemobile de Chico MacMurtrie, un autre hommage, cette fois-ci à une icône du siècle dernier, déjà célébrée par Roland Barthes dans une de ses « Mythologies », est une Citroën DS à l'échelle 1:1, qui se transforme en quelques minutes en un totem pouvant frôler le faîte du dôme, du haut de ses 18 mètres, sans avoir recours aux effets spéciaux Hollywoodiens. Puis, ce qui est encore plus impressionnant, se retransforme, plus vite encore en la même automobile. Maywa Denki, société d'équipement électrique jadis prospère au Japon, mais ruinée par le choc pétrolier des années 70 fut reprise des années plus tard par les descendants du fondateur, pour « produire » des objets où l'absurde le dispute à un sens plastique et esthétique des plus affûtés. Nobumichi Tosa, actuel « PDG » de la société, s'inspire notamment des fleurs des montagnes et de certains poissons. Quatre artistes ou collectifs d'artistes qui ont en commun de créer des œuvres pour la plupart monumentales par leurs dimensions ou par leur nombre, des « œuvres à transformation ».