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Pendant plus de trois semaines durant l’automne 2005, la France a connu une immense vague d’émeutes urbaines. Les premiers affrontements aux forces de l’ordre, les premiers incendies de voitures eurent lieu à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, suite à la mort de deux adolescents, Zyed et Bouna, le 27 octobre 2005. En quelques jours, les troubles se sont étendus dans le département de Seine-Saint-Denis avant de se propager au cours de la deuxième semaine en province, touchant un grand nombre de villes, allant bien au-delà des seules banlieues faisant parler d’elles d’ordinaire. La troisième semaine fut celle d’une lente décrue des événements qui débuta juste avant le décret d’état d’urgence, une mesure jamais connue depuis la période de la guerre d’Algérie, ce qui ne manquera pas d’alimenter l’idée d’une certaine collusion entre l’ordre public et l’ordre colonial (idée sans cesse reprise depuis dans nombre d’analyses jusqu’à aujourd’hui). Par sa taille et sa violence, cette série d’émeutes a été plus qu’un événement national ; l’Occident entier s’en est inquiété ; des chercheurs belges, allemands, néerlandais et étatsuniens se sont interrogés à ce sujet, dans de nombreux pays, des mesures sont prises afin d’éviter un «scénario à la française».

Il faut bien dire que l’ampleur de l’événement a de quoi inquiéter. Au plus fort des incidents, le 13 novembre, 11 500 policiers et gendarmes étaient mobilisés. 217 ont été blessés pendant ces semaines. La Fédération Française des Sociétés d’Assurance estime à 200 millions d’euros le coût global des destructions, dont 23 millions pour les 10 000 véhicules incendiés. 233 bâtiments publics et 74 bâtiments privés ont été dégradés ou incendiés. L’Éducation Nationale a compté 255 atteintes aux biens ou aux bâtiments, notamment dans les collèges, confirmant que les écoles avaient été une des cibles privilégiées des émeutiers. Mais les gymnases, la poste, des entreprises, des lieux de culte ont aussi été touchés. Le soir du 30 novembre, le Ministère de l’Intérieur faisait état de 4 770 interpellations, débouchant sur 4 402 gardes à vue et l’incarcération de 763 personnes (Didier Lapeyronnie, Révolte Primitive dans les Banlieues Françaises, in Déviances et Société, 2006, Vol 30).

L’interprétation des émeutes de 2005 est ralentie par le fait que, parfaitement inattendues, elles n’ont pas fait l’objet d’enquêtes «à chaud», d’une observation tenue en direct dans les émeutes et qu’elles ne peuvent donc être étudiées qu’à partir des traces de la couverture médiatique des événements ; des traces le plus souvent difficiles à exploiter, tant l’expression des émeutiers, qui n’entrait dans aucun des cadres habituels, notamment aucun des cadres instrumentaux et rationnels du système politique ou de l’action militante traditionnelle, est restée incomprise et a été rapportée de manière déformée ou immédiatement surinterprétative. Pour beaucoup, les émeutiers sont des brutes désocialisées ne disposant d’aucun langage : «Qu’est-ce que ces jeunes ont dans la tête ?… Il existe une véritable difficulté de langage qui colle aux pulsions, et des passages à l’acte… Le chômage et les perspectives d’avenir sont centraux… Mais il y a une désocialisation dont il importe de prendre la mesure. Ces jeunes minoritaires qui se livrent à des violences sont autocentrés et en rage, ils mêlent désespoir et nihilisme.» (Le Goff, Entretien, Libération, 21 novembre 2005). Cette incompréhension générale et l’inquiétude qui forcément l’accompagne, ajoutées au fait que les émeutes ont été avant tout marquées par leur dimension anti-policière, compte tenu aussi du fait de la dimension de conflit racial que beaucoup veulent leur reconnaître, tout cela ne manque pas de rappeler les émeutes des ghettos noirs dans les années 60 aux États Unis, qui commencèrent à l’été 64 à Harlem pour finir à Detroit à l’été 67, après être passées notamment par Watts (été 65) et Newark (été 66). Ainsi, en l’absence de toute analyse véritablement éclairante et de toute compréhension fondamentale du phénomène, il semble nécessaire d’étudier de près les inner cities riots, d’observer quelles peuvent être les analogies entre la situation américaine de l’époque et la situation française d’aujourd’hui. On sait par exemple que dans les années soixante, la violence des habitants des ghettos américains était largement liée à leur incapacité d’accéder au système politique, Martin Luther King et les dirigeants du mouvement des droits civiques (développé dans le sud du pays) ayant très peu de lien avec cette population urbaine du nord. La violence a décliné au fur et à mesure que l’accès de ces populations au système politique s’est amélioré, donnant plus d’efficacité à leur action (Oberschall, 1973).

LFKs a ainsi souhaité établir dans le temps une série de cinq créations se proposant d’explorer le lien entre l’Amérique des années soixante et les cités françaises ségréguées actuelles. Cette série s’intitule la VitaNONnova (la vie non nouvelle, par référence à Dante) et comportera essentiellement trois œuvres scéniques et cinématographiques, portant chacune le nom de l’un des dirigeants du Black Panther Party, un mouvement politique révolutionnaire et réformiste, bâti dans l’énergie des émeutes des années soixante et disparu au début des années soixante-dix, une fois la communauté noire américaine mieux représentée dans le domaine de la politique traditionnelle. Chaque pièce de la vitaNONnova aborde l’histoire du combat de la population des ghettos noirs américains sous un angle différent et avec des moyens, des mediums très différents : le théâtre et la performance, l’opéra, le cinéma et les arts médias.

VitaNONnova est composée de :

> vNn #1 - Eldridge Cleaver - théâtre musical et d’agitation (2011-2013)
Créé le 28 septembre 2011 au Théâtre Garonne, Toulouse (France)

> vNn #2 - Une Situation Huey P. Newton - opéra contemporain (2012)
Créé le 7 juillet 2012 au Festival d'Aix-en-Provence (France)

> vNn #3 - Polyptych Bobby Seale - exposition solo en 2013 sur les 5000 m2 de la Grande Halle d'Arles, dans le cadre de Marseille-Provence 2013 (France)

 
vitaNONnova #3 Polyptych Bobby Seale est cofinancé par l'Union européenne

> vNn #4 - Tribute to Fred Hampton (2013)
Création le 4 décembre 2013 à l'Université de Chicago (USA)

> vNn #5 - It's now, Baby! - application iPad réalisée spécialement pour vitaNONnova (2013)